Le terme de STRESS est largement utilisé en élevage comme dans le langage commun. Il permet d'étiqueter un certain nombre de stimulations complexes auxquelles sont soumis les individus (stress du sevrage, stress de transport, stress nutritionnel, stress au travail). Il permet d'expliquer des syndromes dont l'étiologie est mal connue (troubles du comportement par exemple) ou la sensibilité particulière aux infections à certaines périodes (maladies du sevrage, diarrhées d'adaptation, fièvre des transports). Il permet enfin de justifier l'utilisation à grande échelle de thérapeutiques dites “anti-stress” (vitamines, antibiotiques, médicaments psychotropes et une multitude de thérapies psycho-comportementales). Le STRESS apparaît ainsi comme un concept commode où sont dissimulées toutes nos ignorances des interactions de l'individu avec son environnement. Il reflète toute l'ambiguïté du terme défini par Selye comme “la réponse non spécifique de l'organisme à toute demande qui lui est faite ” et qui recouvre en fait dans le langage courant à la fois le stimulus déclencheur et la réponse de l'organisme.
Il est maintenant clair que le STRESS n'est pas une simple réaction réflexe mais une réponse adaptative complexe contrôlée par le système nerveux central. Depuis mon recrutement à l'INRA en 1975, je me suis attaché à étudier les processus psycho- et neuro-biologiques de l'adaptation et les mécanismes physiopathologiques des troubles qui en découlent. L'adaptation est un processus dynamique initié par des modifications externes ou internes qui compromettent la survie de l'individu. Ce processus met en jeu des ajustements de nature comportementale et neuroendocrinienne qui visent à réduire les conséquences néfastes du stimulus. Il existe une grande variabilité des réponses d'adaptation entre individus, entre lignées et races animales, différences mises en forme par l'interaction dynamique de facteurs génétiques et environnementaux qui s'exercent entre autres pendant le développement de l'individu, et qui forment le “tempérament” de l'individu. Seule la prise en compte conjointe des réponses comportementales et biologiques (neuroendocriniennes) et de leurs interactions nous permet de comprendre dans leur globalité les processus adaptatifs et partant, les troubles liés à une inadéquation de ces processus. Ces progrès conceptuels ainsi que leurs conséquences pratiques n'ont été possibles que par une approche pluridisciplinaire qui s’est progressivement focalisée sur l’analyse des mécanismes moléculaires responsables de la variabilité génétique des réponses de STRESS et de leurs conséquences.
Les bases psychobiologiques de l'adaptation ne sont pas fondamentalement différentes chez l'Homme, les animaux domestiques ou les espèces de laboratoire, même si la spécificité zoologique s'exprime pleinement. C'est pour cette raison que notre démarche expérimentale se justifie vis à vis de la recherche médicale autant que dans un intérêt agronomique, en particulier pour comprendre les conséquences des techniques d'élevage sur le bien-être des animaux d’élevage et la qualité des produits, thème qui a pris une importance particulière dans le cadre des régulations européennes. L’intérêt pour les processus d’adaptation connaît d’ailleurs un regain d’intérêt avec le concept de robustesse et le réchauffement global qui expose les animaux, comme les humains, à des conditions climatiques extrêmes. Notre recherche s'est toujours poursuivie parallèlement chez les animaux de laboratoire et les animaux domestiques, en particulier le Porc, ainsi qu’en clinique humaine.
Mots-clés :
stress, neurosciences, physiologie, génétique, neuroendocrinologie, comportement, psychologie expérimentale, bien-être, douleur, robustesse, productions animales